CRITIQUE LITTERAIRE. Cette REF n°157, intitulée Femmes et Finance, attitudes, préférences
et stéréotypes, conçue sous la direction de Marie-Hélène Broihanne, Gunther
Capelle-Blancard et Antoine Rébérioux, met en exergue que malgré des progrès, la part des femmes dirigeantes dans les secteurs de la banque et de la finance reste globalement faible. Elle se heurte encore à des barrières internes et externes fortes, influencées notamment par les marchés financiers.
Alors qu’un journaliste
quelque peu malicieux, lui demandait ce que cela faisait de vivre à côté d’un
génie, Marie Curie lui répondit imperturbable : « Demandez-le donc
à mon mari ! »
Ce trait d’humour illustre bien
le terrain semé d’embuches pour les femmes dans leur juste reconnaissance,
historiquement, dans les domaines scientifiques, mais tout autant aujourd’hui
pour le secteur financier : « Dans toutes les figures empreintes de
clichés, façonnant l’imaginaire collectif, il y a une constance : les
hommes sont omniprésents… ». Singulièrement, les compétences de l’idéal-type de « l’acteur financier » sont pratiquement aux antipodes des
attitudes, préférences et valeurs typiquement prêtées aux femmes dans nos sociétés.
Aussi, le grand mérite du nouveau
collectif de la REF (revue d’économie financière) est de proposer un point sur
ce sujet de littérature « Femmes et Finance », en approchant cette
thématique le plus largement possible dans ses champs d’investigations envisageables :
le secteur bancaire, les marchés financiers, les institutions de régulation, la
gouvernance d’entreprise, le monde académique, etc.
Le déséquilibre se résorbe
trop peu et trop lentement
Ce numéro, sous la direction de Marie-Hélène Broihanne*, Gunther Capelle-Blancard** et Antoine Rébérioux***, propose une analyse
critique des inégalités de genre dans le secteur financier et en gouvernance d’entreprise.
Après une introduction lumineuse de Christine Lagarde où cette dernière expose, d’expérience,
les enjeux d’accès au salaire et au pouvoir décisionnel, les contributions,
très complémentaires et particulièrement documentées, des prestigieux co-auteurs
mettent en lumière les questions d’équité de genre en finance et « dépassant
la simple quête de gains de performance pour renforcer l’inclusivité et la
diversité ». Si les inégalités de genre restent « patentes, durables et
choquantes », les progrès en la matière n’en sont que plus remarquables. Par
exemple, la majorité des banquiers sont des banquières !
Mais la part des femmes dirigeantes
reste globalement faible. Celle des femmes en finance se heurte encore à des barrières
internes et externes fortes, influencées par les marchés financiers. Désormais
la loi impose la mixité dans les conseils d’administration et vient en renfort pour
permettre de briser ce terrible « plafond de verre » qui fait que, encore à
ce jour, aucune femme ne dirige un grand établissement bancaire… même si du
côté des banques centrales, la présence féminine a connu un effet de rattrapage
notoire au cours de la dernière décennie.
Si le combat vers cet
objectif d’équité reste rude, de nombreuses opportunités émergent, appelant des
réformes éducatives, institutionnelles et culturelles, pour promouvoir une véritable
égalité des chances. Il reste que la réflexion doit se poursuivre sur les
politiques de « quotas » afin que, in fine, cette mesure destinée à
promouvoir l’égalité n’aboutisse pas à des « formes indirectes de désavantages ».
Comme le rappelle Christine Lagarde : « Les femmes ont leur place
partout où les décisions se prennent. Elles ne devraient pas être l’exception. » Il reste que ces mesures, pour donner leur plein effet, devront être accompagnées
d’une prise de conscience partagée par les hommes « sur leurs responsabilités
domestiques » afin d’insuffler davantage de confiance aux jeunes filles.
Combattre les discriminations,
promouvoir une véritable égalité des chances, le chemin est tracé, mais il nécessite,
pour une parfaite réussite d’être accompagné d’une profonde révolution des mentalités.
Une parution, dense, dépassionnée, qui éclaire brillamment l’avenir du sujet,
pour tous publics.
Jean-Louis
Chambon
Président-fondateur du Cercle Turgot
* Marie-Hélène Broihanne, professeur
des universités, Strasbourg.
** Gunther Capelle-Blancard, professeur des universités, Paris 1.
*** Antoine Rébérioux, professeur des universités, Paris Cité.