CHRONIQUE. A
Alfortville, un jeune homme de 19 ans vole un téléphone à l’arrêt de bus, et
menace la victime qui tentait de récupérer son bien. Niant l’évidence à
l’audience du 28 février, le prévenu est incarcéré à l’issue d’un procès
expéditif.
Barbe
filandreuse et cheveux en pagaille, Anis a les paupières gonflées et les petits
yeux de celui qui manque de sommeil. Un vol avec violence (menace ou usage
d’une arme) l’a conduit dans le box des comparutions immédiates de Créteil. En
l’apercevant, le président a semblé s’éveiller d’un coup ; il lui a lancé :
« Qu’est-ce que vous allez nous dire sur les faits ?
-
J’ai
rien à voir avec ça, moi.
-
C’est
marrant, hein, parce quand on vous avait vu le 9 septembre, c’était exactement
la même chose.
-
Le
téléphone, je l’ai trouvé à côté du Monsieur et j’allais le ramener au
commissariat.
-
Non vous
ne l’avez pas trouvé, vous l’avez pris. On a les images. On vous voit tourner
autour de la victime et prendre le téléphone.
-
Non,
j’ai pas tourné et j’ai pas volé.
- Et pourquoi quand il vous dit ‘au voleur, au
voleur’, vous n’arrêtez pas de courir ? »
Aux
policiers, la victime a fait la déclaration suivante : « J’étais à
l’arrêt de bus, debout, le téléphone était posé sur le carton de mon décodeur
que je portais dans mes bras. Un monsieur est passé et a pris mon téléphone. Je
l’ai poursuivi en criant ‘au voleur, au voleur, rendez mon téléphone’ ! Un
jeune courageux lui a couru après et lui a fait un croche-pied, l’a rattrapé,
tenu et a trouvé mon téléphone dans sa poche. » La police municipale
passait par là et a pu observer la scène suivante : Anis braquant la victime
avec une fourchette, la victime attrapant le bras d’Anis et tordant la
fourchette. Le président s’adresse au prévenu : « Vous êtes d’accord ?
- Moi les fourchettes, je mange avec. Le
téléphone, je l’ai même pas volé. »
Une vidéo a
filmé la scène et les policiers ont pu visionner le manège d’Anis, observant la
victime, changeant de position, avant de passer à l’action. Anis persiste :
« J’ai rien fait, chef. »
« Pourquoi
voler un téléphone en 2025 ? »
Le président
n’insiste pas et passe à la personnalité : livreur pour Uber eats à 800 euros
par mois, Anis a « déjà eu affaire deux fois à la justice, et si j’en crois
le message qui m’a été envoyé, les deux peines vont être mises à exécution ».
La procureure prend le relais : « Les faits sont assez simples : il les
conteste sans vraiment les contester », puisqu’il admet avoir pris le
téléphone. Elle rappelle qu’on le voit aussi pointer la fourchette sur la
victime et viser le ventre : « Les faits de vol avec violence sont donc
parfaitement caractérisés. » Elle demande 6 mois de prison avec mandat
de dépôt.
L’avocat du
prévenu tente d’enrayer la mécanique répressive : « Monsieur est dans
une très grande précarité, et il est résulté de l’infraction un préjudice
modeste voire faible, puisque la victime a pu récupérer son téléphone. »
Il tente : « Pourquoi voler un téléphone en 2025 ? » En vain :
Anis est condamné à 5 mois de prison avec mandat de dépôt, en plus de deux
autres peines qui seront mises à exécution. Il lui est également interdit de
détenir une arme pendant 5 ans.
Julien Mucchielli