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Réglementation financière européenne : refusons l'obscurantisme paralysant

Réglementation financière européenne : refusons l'obscurantisme paralysant
Publié le 17/04/2025 à 18:00

TRIBUNE. Banque-Notes Express, la lettre du Centre européen de recherches en banque et finance, se focalise dans son édition du 14 avril 2025 sur le rapport Less is more et sur la réglementation européenne des services financiers. En substance, comment simplifier les normes bancaires et freiner leur inflation ? Le JSS relaie ici les réflexions de l’autrice, Blanche Sousi, professeur émérite de l’Université Lyon 3.

Certains d’entre vous seront sans doute surpris de lire sous ma plume ce qui pourrait sonner comme une charge anti-européenne. Je les rassure. C’est au contraire au soutien du projet européen, de ses principes et de ses valeurs que je souscris à l’appel qui monte de toute part, en France (voir par exemple, Rapport du Sénat du 4 décembre 2024) et dans l’Union européenne, pour dénoncer la complexité et l’inflation de la réglementation européenne. Certains textes y sont si techniques, si nombreux, voire si enchevêtrés, qu’il est difficile de les comprendre et de voir la cohérence de l’ensemble.

Les entreprises doivent consacrer beaucoup de temps à leur déchiffrage avant de pouvoir les appliquer. ; quand elles le peuvent, elles créent des services de veille juridique pour cela, au détriment parfois d’autres services plus rentables et plus adaptés à leur véritable métier. Les particuliers, quant à eux, se trouvent souvent confrontés à une règlementation si compliquée, qu’ils ne la comprennent pas…Et il n’est pas rare qu’ils apposent en bas de formulaires leur « bon pour acceptation », sans avoir pu mesurer la portée de leur signature.

Les responsables politiques européens ont pris conscience de l’importance des mécontentements exprimés dans tous les secteurs d’activité et de l’urgence qu’il y avait à y répondre.

C’est ainsi que la Commission européenne a récemment présenté un train de mesures, dit Paquet Omnibus, tendant à simplifier les textes en préparation. La presse titre sur un « choc de simplification », mais déjà des voix s’élèvent pour s’inquiéter du sens à donner au mot simplification.

Car en effet, simplification ne doit pas signifier dérèglementation, comme l’a déjà exprimé le gouverneur de la Banque de France le 26 novembre 2024 et le 11 avril 2025

Une réglementation européenne est nécessaire dans de nombreux secteurs d’activités (c’est l’essence même du marché européen que d’avoir une harmonisation règlementaire), en particulier dans le secteur des services financiers (banque, assurance et marchés financiers). Elle est indispensable pour garantir la stabilité du système financier et maintenir la confiance de la clientèle quelle qu’elle soit.

Certes, mais aujourd’hui cette réglementation européenne constitue un flot constant de textes divers que plus personne ne peut maîtriser. On assiste à l’emballement du système d’adoption de ces textes à tous les stades de la procédure.

Comment y remédier ? Précisément, dans le domaine des services financiers, le rapport Less is more, rendu public récemment, dresse le constat de cette inflation législative non contrôlée et contient toute une gamme de solutions susceptibles de pallier cette situation d’emballement et de dérive qui, non seulement va à l’encontre des principes et valeurs fondant le projet européen, mais aussi nuit dangereusement à l’image que les européens, même les plus convaincus, ont de l’Union européenne.

Ce rapport, préfacé par Jacques de Larosière, est le fruit d’un travail mené, pendant plus de deux ans à l’échelle européenne, par un groupe ad hoc de professeurs de droit, avocats, juristes de banque ou d’institutions financières. Il est pour l’instant disponible en français et en anglais.

Il a déjà donné lieu à de nombreuses présentations ou réunions avec des représentants des institutions européennes, mais aussi de l’industrie européenne bancaire et financière ; d’autres vont suivre car la demande de discussions est forte.

Partout, il suscite l’attention, l’intérêt et, le plus souvent aussi, l’adhésion… mais pas toujours : certains observateurs avisés l’auraient voulu plus incisif, d’autres en revanche le trouve trop radical sur certaines solutions.

Le débat est ouvert, vous l’aurez compris.

Blanche Sousi
Professeur émérite de l’Université Lyon 3
Chaire Jean Monnet ad personam de droit bancaire et monétaire européen

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