Afin de limiter les défauts
de paiement des cotisations, les organismes de recouvrement comme l'URSSAF
privilégient l'accompagnement des entreprises pour limiter les erreurs. Depuis
le 2 avril 2025, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) met en
ligne les rescrits sociaux de portée générale. Ces rescrits sont des réponses
officielles formulées par les caisses de sécurité sociale et par l'administration
fiscale à des questions de droit posées par les cotisants et les contribuables.
Créé en 2018, le Bulletin
officiel de la sécurité sociale (BOSS) est un site internet permettant aux
entrepreneurs de demander aux administrations l'interprétation de la
réglementation sociale et fiscale afin de s'assurer du régime qui leur est
applicable. Lorsque la réponse à une question individuelle suscite un intérêt
général, elle est désormais anonymisée et diffusée sur le site du BOSS. Les
rescrits, qui sont d'abord sollicités pour le paiement des contributions,
notamment sur les exonérations d'impôt, concernent aussi les cotisations, même
s'ils sont moins souvent envisagés par méconnaissance des employeurs.
Le 24 janvier dernier,
Florent Menegaux, PDG de l'entreprise Michelin, dénonçait au Sénat les
difficultés des entreprises françaises à payer les cotisations patronales et
salariales ; lesquelles pousseraient à l'évasion sociale. À cette
difficulté économique s'ajoute celle de la complexité normative pour les
petites entreprises qui n'ont pas la structure suffisante pour interpréter le
régime social qui s'applique à elles. Au-delà du besoin de rester compétitif,
c'est donc aussi l'inflation normative, une fois de plus, qui est pointée du
doigt par les entrepreneurs, impliquant parfois des erreurs de gestion.
2 millions de consultations
en 2024
Les défauts de paiement des
cotisations seraient causés par une insécurité juridique. « La rapidité
des évolutions normatives rend la tâche difficile pour nos acteurs économiques,
et en particulier pour nos entreprises. » déclare Olivia Grangerodet,
directrice de l'URSSAF en Auvergne-Rhônes-Alpes. L'intérêt de pouvoir consulter
la doctrine et les rescrits sociaux de portée générale est de limiter ces
risques d'impayés, mais aussi de clarifier le droit applicable aux entreprises
selon leurs situations.
Depuis l'instauration du
droit à l'erreur des contribuables et la création de ce site, la consultation
du BOSS s'est démocratisée. Consultable par tous, y compris par les salariés et
les futurs cotisants, le Bulletin officiel de la sécurité sociale ne serait pas
aussi clair que le BOFiP (Bulletin officiel des finances publiques) côté
impôts, mais aurait déjà le mérite d'exister selon les professionnels
concernés. Claude Privat, chargé d'affaires publiques auprès de l'URSSAF,
annonce que le site aurait été consulté par 2 millions de visiteurs en 2024.
Même les professionnels du
droit et du chiffre se saisissent de l'opportunité gratuite d'accéder à la
doctrine de la sécurité sociale, notamment les avocats, pour conseiller leurs
clients en cas de contrôle. « On n’a pas à se substituer aux
professionnels du conseil tels que les experts comptables et les avocats
spécialisés. » relève toutefois Cécile Laraufie, responsable adjointe
en ligne du service employeurs auprès de l'URSSAF. Les experts comptables se
servent aussi du site dans l'objectif d'optimiser la gestion de leurs sociétés
clientes en opposant aux centres payeurs, les informations diffusées par leurs
caisses nationales. C'est parce que l'interprétation d'un texte vient de
l'organisme de protection sociale lui-même qu'elle est incontournable pour les
professionnels du conseil. Ces informations ne peuvent pas être contredites par
l'administration qui l'a diffusée.
« Le BOSS, c'est un site
qui est officiel et donc opposable. »
Les experts comptables
utilisent aussi un autre biais que le rescrit : la question juridique
complexe. Contrairement au rescrit, elle n'est pas opposable à toutes les
caisses du réseau national de l'URSSAF mais uniquement à l'antenne locale. Le
rescrit social présente l'avantage d'être opposable sur tout le territoire
français même si c'est l'antenne qui y répond. Cependant, « Il y a une
opposabilité uniquement à l'URSSAF et non aux autres organismes. »
précise la professeure Kristel Meiffret, lors d'une conférence à l'Université
Clermont-Auvergne, le 10 avril.

À gauche : Claude Privat (URSSAF), à droite Kristel Meiffret (Université de
Lorraine)
« Le BOSS est mis à jour
par les URSSAF et validé par la direction de la sécurité sociale. »
faisant des rescrits sociaux des sources de droit fiable pour les cotisants.
Néanmoins, ces rescrits peuvent ensuite être désavoués par la jurisprudence
sociale. « Des interprétations ne sont pas conformes à celles retenues
par la Cour de cassation ». La professeure Meiffret alerte sur les
différentes interprétations des textes règlementaires par l'URSSAF et la
justice. Par exemple, la chambre sociale de la Cour de cassation, le 30 janvier
dernier, excluait
le paiement de cotisations basé sur la totalité d'une indemnité
transactionnelle qui comportait une part de dommages-intérêts, la disqualifiant
ainsi du régime salarial, contrairement à l'interprétation qu'en avait donné
l'URSSAF.
L'envers du décor, c'est
aussi que l'opposabilité du rescrit n'est pas sans conséquence néfaste sur la
gestion des entreprises. L'objectif qui se cache derrière l'accompagnement est
aussi de responsabiliser les employeurs en facilitant l'accès à leurs droits
ainsi qu'à leurs devoirs de cotiser et contribuer à l'impôt. En cas de
contrôle, les entrepreneurs peuvent se voir reprocher de négligences, de
mauvaise foi de leurs parts pour défaut de recherche du régime applicable, et
ainsi leur erreur se retrouve qualifier en fraude. « Je ne pense pas
que le BOSS et le rescrit soient véritablement des moyens de prévenir la fraude
mais l'erreur oui. » relève Kristel Meiffret. En effet, le fraudeur,
puisqu'il utilise des stratagèmes pour éviter de payer des cotisations ne va
pas se signaler en demandant un rescrit auprès de l'URSSAF. Seules des
entreprises en situation de doute le font. La différence c'est que la fraude
implique une intention de la part de l'auteur qui risque en conséquence, outre
un redressement, une sanction pénale. Il est impossible pour l'entrepreneur de
demander un rescrit s'il a déjà reçu un avis de contrôle et qu'il se rend
compte d'un oubli dans sa gestion.
Les rescrits de portée
générale et la doctrine sont en revanche toujours accessibles après un contrôle
pour se défendre. L'URSSAF dispose de 3 mois à compter de la demande pour
répondre à un rescrit. Après l'expiration de ce délai, un redressement
ultérieur devient illégal.
Antonio Desserre