ENTREPRISE

Le rescrit social, un moyen privilégié par l'URSSAF de prévenir les impayés

Le rescrit social, un moyen privilégié par l'URSSAF de prévenir les impayés
Publié le 23/04/2025 à 07:00

Afin de limiter les défauts de paiement des cotisations, les organismes de recouvrement comme l'URSSAF privilégient l'accompagnement des entreprises pour limiter les erreurs. Depuis le 2 avril 2025, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) met en ligne les rescrits sociaux de portée générale. Ces rescrits sont des réponses officielles formulées par les caisses de sécurité sociale et par l'administration fiscale à des questions de droit posées par les cotisants et les contribuables.

Créé en 2018, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) est un site internet permettant aux entrepreneurs de demander aux administrations l'interprétation de la réglementation sociale et fiscale afin de s'assurer du régime qui leur est applicable. Lorsque la réponse à une question individuelle suscite un intérêt général, elle est désormais anonymisée et diffusée sur le site du BOSS. Les rescrits, qui sont d'abord sollicités pour le paiement des contributions, notamment sur les exonérations d'impôt, concernent aussi les cotisations, même s'ils sont moins souvent envisagés par méconnaissance des employeurs.

Le 24 janvier dernier, Florent Menegaux, PDG de l'entreprise Michelin, dénonçait au Sénat les difficultés des entreprises françaises à payer les cotisations patronales et salariales ; lesquelles pousseraient à l'évasion sociale. À cette difficulté économique s'ajoute celle de la complexité normative pour les petites entreprises qui n'ont pas la structure suffisante pour interpréter le régime social qui s'applique à elles. Au-delà du besoin de rester compétitif, c'est donc aussi l'inflation normative, une fois de plus, qui est pointée du doigt par les entrepreneurs, impliquant parfois des erreurs de gestion.

2 millions de consultations en 2024

Les défauts de paiement des cotisations seraient causés par une insécurité juridique. « La rapidité des évolutions normatives rend la tâche difficile pour nos acteurs économiques, et en particulier pour nos entreprises. » déclare Olivia Grangerodet, directrice de l'URSSAF en Auvergne-Rhônes-Alpes. L'intérêt de pouvoir consulter la doctrine et les rescrits sociaux de portée générale est de limiter ces risques d'impayés, mais aussi de clarifier le droit applicable aux entreprises selon leurs situations.

Depuis l'instauration du droit à l'erreur des contribuables et la création de ce site, la consultation du BOSS s'est démocratisée. Consultable par tous, y compris par les salariés et les futurs cotisants, le Bulletin officiel de la sécurité sociale ne serait pas aussi clair que le BOFiP (Bulletin officiel des finances publiques) côté impôts, mais aurait déjà le mérite d'exister selon les professionnels concernés. Claude Privat, chargé d'affaires publiques auprès de l'URSSAF, annonce que le site aurait été consulté par 2 millions de visiteurs en 2024.

Même les professionnels du droit et du chiffre se saisissent de l'opportunité gratuite d'accéder à la doctrine de la sécurité sociale, notamment les avocats, pour conseiller leurs clients en cas de contrôle. « On n’a pas à se substituer aux professionnels du conseil tels que les experts comptables et les avocats spécialisés. » relève toutefois Cécile Laraufie, responsable adjointe en ligne du service employeurs auprès de l'URSSAF. Les experts comptables se servent aussi du site dans l'objectif d'optimiser la gestion de leurs sociétés clientes en opposant aux centres payeurs, les informations diffusées par leurs caisses nationales. C'est parce que l'interprétation d'un texte vient de l'organisme de protection sociale lui-même qu'elle est incontournable pour les professionnels du conseil. Ces informations ne peuvent pas être contredites par l'administration qui l'a diffusée.

« Le BOSS, c'est un site qui est officiel et donc opposable. »

Les experts comptables utilisent aussi un autre biais que le rescrit : la question juridique complexe. Contrairement au rescrit, elle n'est pas opposable à toutes les caisses du réseau national de l'URSSAF mais uniquement à l'antenne locale. Le rescrit social présente l'avantage d'être opposable sur tout le territoire français même si c'est l'antenne qui y répond. Cependant, « Il y a une opposabilité uniquement à l'URSSAF et non aux autres organismes. » précise la professeure Kristel Meiffret, lors d'une conférence à l'Université Clermont-Auvergne, le 10 avril.


À gauche : Claude Privat (URSSAF), à droite Kristel Meiffret (Université de Lorraine)

« Le BOSS est mis à jour par les URSSAF et validé par la direction de la sécurité sociale. » faisant des rescrits sociaux des sources de droit fiable pour les cotisants. Néanmoins, ces rescrits peuvent ensuite être désavoués par la jurisprudence sociale. « Des interprétations ne sont pas conformes à celles retenues par la Cour de cassation ». La professeure Meiffret alerte sur les différentes interprétations des textes règlementaires par l'URSSAF et la justice. Par exemple, la chambre sociale de la Cour de cassation, le 30 janvier dernier, excluait le paiement de cotisations basé sur la totalité d'une indemnité transactionnelle qui comportait une part de dommages-intérêts, la disqualifiant ainsi du régime salarial, contrairement à l'interprétation qu'en avait donné l'URSSAF.

L'envers du décor, c'est aussi que l'opposabilité du rescrit n'est pas sans conséquence néfaste sur la gestion des entreprises. L'objectif qui se cache derrière l'accompagnement est aussi de responsabiliser les employeurs en facilitant l'accès à leurs droits ainsi qu'à leurs devoirs de cotiser et contribuer à l'impôt. En cas de contrôle, les entrepreneurs peuvent se voir reprocher de négligences, de mauvaise foi de leurs parts pour défaut de recherche du régime applicable, et ainsi leur erreur se retrouve qualifier en fraude. « Je ne pense pas que le BOSS et le rescrit soient véritablement des moyens de prévenir la fraude mais l'erreur oui. » relève Kristel Meiffret. En effet, le fraudeur, puisqu'il utilise des stratagèmes pour éviter de payer des cotisations ne va pas se signaler en demandant un rescrit auprès de l'URSSAF. Seules des entreprises en situation de doute le font. La différence c'est que la fraude implique une intention de la part de l'auteur qui risque en conséquence, outre un redressement, une sanction pénale. Il est impossible pour l'entrepreneur de demander un rescrit s'il a déjà reçu un avis de contrôle et qu'il se rend compte d'un oubli dans sa gestion.

Les rescrits de portée générale et la doctrine sont en revanche toujours accessibles après un contrôle pour se défendre. L'URSSAF dispose de 3 mois à compter de la demande pour répondre à un rescrit. Après l'expiration de ce délai, un redressement ultérieur devient illégal.

Antonio Desserre

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