CHRONIQUE. Deux
jeunes hommes de 22 et 23 ans comparaissent devant le tribunal correctionnel de
Nanterre pour des vols de véhicules, et dans des véhicules, commis en série, au
cours des derniers mois. Après avoir nié, ils admettent aujourd’hui ce qu’on
leur reproche.
Dans la nuit
du 20 au 21 août 2024, la vidéo surveillance de cette résidence de la ville de
Garches filme un véhicule utilitaire duquel deux individus grimés s’extraient ;
ils marchent vers un parking et passent hors champ.
Ils
réapparaissent quelques secondes plus tard sur une moto grosse cylindrée : le
conducteur dépose le passager à côté de l’utilitaire, et les deux acolytes se
séparent. La vidéo permet d’identifier l’immatriculation du véhicule, qui est
enregistré au nom de Kevin, un artisan du bâtiment dont la ligne téléphonique
borne à Garches ce soir-là. Sa ligne borne à Fontenay-sous-Bois le lendemain, à
proximité d’un autre vol. L’enquête débute.
Les policiers
remarquent que le véhicule de Kevin circule entre divers chantiers en journée,
et entre divers lieux la nuit, laissant penser à des repérages. Le 6 novembre,
il borne dans une grande rue de Boulogne, où Kevin, dans le visu des policiers
en planque, fait le guet. Il observe son complice forcer des selles de scooter
pour en dérober le contenu. Une scène identique se répète le 27 novembre, dans le
16e arrondissement de Paris.
Le 15
décembre, les policiers mettent en place un dispositif pour interpeller les
deux voleurs en flagrant délit. La scène se déroule aux abords du Parc des Princes,
un soir de match. L’utilitaire se gare à côté du parking des deux-roues, Kevin
surveille, tandis que son collègue vole. Ne parvenant pas à se rapprocher
suffisamment de la scène pour constater le vol, les policiers décident de les
suivre. Les deux compères continuent leur tournée à Nanterre, à Paris. Ils sont
interpellés place de Mexico, dans le 16e. La fouille du Ford Transit
va amener à la découverte de trois casques de moto ainsi qu’à un tournevis. Les
perquisitions permettent de retrouver des équipements de moto. Le préjudice est
estimé à 45 000 euros, un montant essentiellement composé du prix de deux motos
volées.
« J’étais
déboussolé et j’avais besoin d’argent »
Le jour de
l’audience, Kevin est à la barre tandis que Kenzi est dans le box. Leur
première comparution a été renvoyée, ils ont eu six semaines pour réfléchir, et
Kevin a décidé de changer sa version. « Devant les enquêteurs, j’ai
nié, et maintenant, je reconnais les faits. » Plus précisément : deux
faits - les vols de moto, à Garches et à Fontenay.
« Tout
ça commencé le jour de la radiation de mon entreprise, le 8 août. J’étais
déboussolé et j’avais besoin d’argent. Une connaissance m’a proposé de me faire
500 euros. Je l’ai fait deux fois et je n’ai plus eu de nouvelle. »
Une fois le travail effectué, il se rendait à Drancy pour toucher sa paye et
rentrait chez lui.
Il a formé le
jeune Kenzi au métier de maçon ; ce dernier, au vu de son casier, est plutôt
spécialisé dans le vol avec effraction (dix condamnations). C’est pourquoi il
est détenu. Le président lui demande : « Vous reconnaissez les faits ?
-
Totalement.
-
Et l’un
comme l’autre, vous vous trimballez avec téléphone portable sur les lieux des
faits ?
-
On n’est
pas des grands voleurs.
- Effectivement, je ne vous le fais pas dire,
ça fait un peu bras cassé. »
Kevin, chef
d’entreprise, a un casier vierge. C’est la raison pour laquelle il a été placé
sous contrôle judiciaire. Leur avocat commun demande à Kevin : « Est-ce
que vous seriez prêt à embaucher Monsieur Kenzi B. ?
- Y’a aucun souci. »
Kenzi se
cache le visage en rigolant, l’air gêné.
« Monsieur
B., vous êtes également maçon. Vous êtes marié ? Vous avez des enfants ?
-
J’ai
peut-être un enfant.
-
Ah,
c’est original.
-
Elle est
enceinte. Mais on ne s’est pas vu depuis, elle ne sait pas où je suis.
-
Quel est
le terme ?
-
Euh…
-
En
général, les parents savent le terme par cœur. Vous ne l’avez jamais
accompagnée chez le gynéco ? »
Kenzi ne
comprend pas trop ce que ce sujet vient faire ici - il a déjà assez de
problèmes. Il dit qu’il n’est pas certain d’être le père.
« Il
faut se garder d’une prime à l’incompétence »
La procureure
se lève pour prendre ses réquisitions : « Comme tous les faits sériels,
il faut les envisager ensemble, car ils font système. » Elle détaille
l’enquête des policiers : la géolocalisation, les surveillances, la vidéo-surveillance,
l’interpellation. « Ce ne sont pas les délinquants les plus doués, mais
il faut se garder d’une prime à l’incompétence. Ce sont des faits qui ont
nécessité des investigations, on ne les a pas pris tous les deux la main dans
le pot de confiture. » Elle demande pour chacun 12 mois de prison ;
sous surveillance électronique pour Kevin, à la maison d’arrêt pour Kenzi. Alors
que l’avocat s’apprête à débuter sa plaidoirie, le président l’interrompt pour
adresser une virulente remontrance à des lycéennes qui prenaient leurs aises
dans le public, ou à des lycéens qui se laissaient aller à un discret mais
néanmoins visible grabuge. « On n’est pas au spectacle ici ! »
Rires contenus.
L’avocat
interrompu reprend : « C’est une pure atteinte aux biens, ce n’est pas
très élaboré ; et le degré de structuration pèse sur la peine. » Il
insiste sur l’insertion de l’un et la volonté d’insertion de l’autre, dont la
plupart des condamnations, dit-il, datent de sa très jeune majorité. « Il
y a une frénésie de passage à l’acte à ce moment-là, puis il se calme. »
Mais le tribunal décide finalement de suivre les réquisitions, et tandis que
l’un est laissé libre avec 2 500 euros d’amende en surplus, Kenzi part en
prison pour un an, et devra s’acquitter d’une amende de 500 euros.
Julien Mucchielli